Juan d’Oultremont

Inflatable Caveman Club

19 November – 18 December 2022
Vernissage Nov 19, 3-6pm
at Saint-Martin Bookshop & Seymour Kassel Records

 

Parfois dans le travail qui est le nôtre, la « révélation » (dans son sens quasi photographique) ne naît pas de ce qu’on pourrait appeler un accident d’atelier, une manipulation imprévue ou une mise en œuvre hasardeuse, mais plutôt d’une intuition dont les contours se précisent d’un coup. Un concept lentement mûri qui trouverait soudain sa formulation.

Ayant commencé à travailler dans les années septante, où l’art conceptuel tenait le haut du pavé, les mots (et leurs agencements) m’ont toujours accompagné. Je pense pouvoir produire sans difficulté le curriculum vitae de ceux qui ont balisé ma pratique depuis cette époque. Des mots, souvent simples, mais qui grâce à leur soudaine adéquation, m’ont assuré l’accès à des espaces de recherche inaccessibles par d’autres voies. En somme, les bons mots aux bons moments.

1970>1980 : protocole - 1980> 1990 : articulation - 1990>2000 : performatif - 2000>2005 : topographie - 2005> 2010 : réflexif - 2010> 2015 : singulier - 2015>2020 : déplacement (mobilité) ...

Quand, en préparant cette exposition, Stéphane Aisinber m’a demandé ce qui reliait les travaux que je comptais y présenter, le plissement de ses épais sourcils m’a fait perdre une partie de mes moyens. Comme si dans les « mots clefs » précités, je ne trouvais pas celui qui me permettrait de répondre à sa question.
Heureusement, mon trouble n’a duré qu’un instant. Très vite le principe du « retour à l’original » s’est imposé à mon esprit et comme souvent, la révélation a pris un caractère lumineux, semblant enfin permettre à une quantité de paramètres en suspension de trouver leur place dans une équation cohérente.
Je lui ai donc proposé une exposition dont les œuvres feraient Club autour de la question du retour aux sources. 


De la grotte néandertalienne, au magasin de jouet, et de la chambre de jeu au musée, il est question pour la série des gourdins-jouets de rétroactivité, la massue (celle que je sculpte ou que je moule) retrouvant en sortant de l’atelier tout ou partie de sa matérialité initiale et donc de son potentiel « assommant ».

Il en va de même pour la série des cover-paintings. En faisant disparaître les éléments de communication (typographie, logo…), le travail de restauration que je fais subir à ces pochettes permet de remonter à l’image initiale, celle sur laquelle s’est porté le choix des maisons de disque. Comme les gourdins, elles ne se contentent pas de remonter le temps, elles démontent les stratégies qui ont été celles de l’industrie du disque durant 50 ans. Elles restaurent la confiance.

Effet retour identique pour les scènes d’atelier illustrant les jaquettes des romans de gare (pulp fiction) dont je présente une collection. La mise en abyme est si évidente qu’elle pourrait faire sourire si ces illustrations ne se retrouvaient à ce point soumises à la violence, au sexe, au pouvoir, à la passion.

Restait la série des cartoon-art, ces dessins de presse évoquant le monde de l’art (vernissages, musées, scènes d’atelier) que je glane sur la toile avant d’en modifier les textes. Imprimés sur des panneaux de MDF, ils se présentent comme les motifs d’un papier peint qui renverrait à la double acception du mot original : celle de l’origine et celle de l’originalité. Pour ce qui est de l’origine, je me réapproprie ces cartoons sans trop d’états d’âme. Pour ce qui est de l’originalité, ils posent la (délicate) question de l’humour dans l’art, offrant dans la foulée une réponse au bashing dont l’art contemporain fait l’objet. Utilisant les armes de l’adversaire, ces caricatures dont je deviens le héros, retournent la puissance de l’attaque contre l’assaillant.

Croyant pouvoir se dédouaner de leur désintérêt pour l’art, tout en flattant ma créativité, dans ma famille on m’a souvent taxé d’original - une paresse de l’esprit qui faisait de moi un Inflatable Caveman.

Bienvenu au Club !

Juan d’Oultremont – octobre 2022

Juan d’Oultremont est un artiste  belge né à Bruxelles où il vit et a enseigné l'installation et la performance à l'ERG (École de recherche graphique). Canif suisse de l’art contemporain (Lauréat du Prix de la Jeune peinture Belge 1977) , il s’inscrit dans une pratique qui peut prendre des formes allant de la peinture, à l’installation, en passant par l’écriture, la performance, la musique, le graphisme ou la collection. Son travail s’articule autour de notions récurrentes comme le faux, le statut de l’artiste, le double, le sexe, la tuberculose… Autant de thèmes que l’on retrouve directement ou indirectement dans sa pratique de l'écriture, dans ses romans (finaliste du Rossel 2020 et du Grand Prix de l’Académie, "Judas côté Jardin" a obtenu le pris Marcel Thiry) et dans ses chansons (on lui doit entre autres les paroles “Cœur de loup” avec lequel il obtint un Disque d’or en 1989 ainsi que le Prix Socam 1991 pour la chanson étrangère la plus exécutée au Canada).C’est ce même univers qui est présent dans le graphisme des pochettes qu’il réalise entre autres pour le label de jazz Blue Note, dans ses pièces de théâtre et dans les bandes dessinées dont il est le scénariste. On le retrouve également en tant que chanteur sur trois albums produits par Benjamin Schoos pour le label Freaksville Record.Il fit partie (aux côtés de Philippe Geluck, Marc Moulin…) durant 15 ans de l'équipe culte du Jeu des Dictionnaires et de la Semaine Infernale sur la RTBF, ainsi que de celle de la Télé Infernale. De celle des Sauveurs sur radio Nostalgie et C’est Presque Sérieux. Aujourd’hui il est un des chroniqueurs de l’émission Salut les Copion sur la Première (RTBF)…